la naissance d'un père

« La paterniteŽ est la grande affaire de ma vie adulte. Elle a occupeŽ une large partie de mon temps. Mon premier enfant est neŽ quand j'avais vingt-cinq ans ; mon cinquie`me quand j'en avais quarante-deux. Quatre garcžons, une fille. De deux me`res diffeŽrentes.

J'ai attendu que le cycle des naissances s'ache`ve pour raconter cette expeŽrience. J'en ressentais le deŽsir depuis longtemps. Les romanciers, les intellectuels, s'ils eŽvoquent souvent leurs pe`res, restent tre`s discrets sur leur propre paterniteŽ. En un sens, je les comprends. EŽcrire sur ses enfants, c'est prendre le risque de la partialiteŽ. Et puis, comment alimenter le romanesque avec des petits pots ?

A` mesure que j'avancžais dans l'eŽcriture, j'ai pourtant eu la sensation de relater une eŽpopeŽe. Dans les romans de chevalerie, il y a des duels, des moments lumineux et violents ou` l'on joue sa peau - comme lors d'un accouchement. Il y a des eŽpreuves aussi - et s'occuper de ses enfants, c'est en affronter sans cesse. Il faut eŽcarter les dangers autour d'eux, en tracžant une route.

Si la filiation est une expeŽrience eŽpique, c'est encore qu'elle nous confronte a` notre propre mort. Nos enfants sont ce que nous laissons sur Terre apre`s nous. Dans la logique des choses, ils se trouveront reŽunis autour de notre cercueil. Mais cela n'a rien de triste. A` mesure que nous vieillissons, nous transfeŽrons sur eux notre amour de la vie. » A. L.