Biographie
1896-1948
Antonin Artaud est né à Marseille dans le milieu aisé de la bourgeoisie. Son enfance est perturbée par des troubles nerveux que l'on attribue à une méningite. La douleur physique ne le quittera plus, malgré des séjours répétés en maison de santé.
En 1920, il arrive à Paris et se met à écrire. Son premier recueil est refusé par l'éditeur Jacques RiviÚre et une correspondance commence entre eux: Artaud lui explique que son écriture est une lutte contre la pensée qui l'abandonne, le néant qui l'envahit. RiviÚre publiera leurs lettres dans La Nouvelle Revue française.
Le poÚte devient un moment le directeur de la "Centrale du bureau des recherches surréalistes". Au cours de cette période, il écrira des scénarios de films et des poÚmes en prose.
Il est aussi acteur chez Dullin où il dessine les costumes et les décors; puis, à la Comédie des Champs Elysées, chez J. Hébertot. Au cinéma, il est, entre autre, Marat dans le Napoléon d'Abel Gance.
Surtout, il fonde avec Roger Vitrac Le Théâtre A.Jarry et de 1927 à 1929, il y monte quatre spectacles, dont Victor ou les Enfants au pouvoir. Suivent les textes et manifestes réunis dans Le Théâtre et son double. L'action au théâtre "révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur face cachée, les incite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu'elles n'auraient jamais eu sans cela". (Le Théâtre et la peste). Tel est le but du "Théâtre de la cruauté".
En 1936, Artaud part pour le Mexique et se rend à cheval chez les Tarahumaros pour y trouver "l'antique culture solaire"...et du peyotl. Cette quête, écrira Sollers, est "la phase capitale de sa lutte pour faire renaître un corps dans la pensée".
Un an plus tard, à son retour forcé d'Irlande, il sera interné pour avoir dépassé les limites établies de la marginalité. Cinquante-deux électrochocs vont achever de le briser physiquement. Au bout de dix ans, ses amis obtiennent qu'il sorte de l'asile de Rodez mais il est atteint d'un cancer diagnostiqué trop tard et meurt le 4 mars 1948.
Hypnotisé de sa propre misÚre, où il a vu celle de l'humanité entiÚre, Artaud a rejeté avec violence les refuges de la foi et de l'art. Il a voulu incarner ce mal, en vivre la totale passion, pour trouver, au coeur du néant, l'extase. Cri de la chair souffrante et de l'esprit aliéné en un homme qui se veut tel, voilà le témoignage de ce génie.
"Nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête. Et le théâtre est fait pour nous apprendre d'abord cela." (A. Artaud)
Détail
Cette fabuleuse entreprise : la reconquête de son propre moi, dont le lent cheminement a pu se lire dans des centaines et des centaines de pages quotidiennes, il semble, en décembre 1945, qu'elle est achevée. L'oppression religieuse s'est éloignée. De la lutte incessante menée pour s'en défaire demeure une vigilance sardonique dont les effets dévastateurs vont désormais s'opposer à toute emprise métaphysique. L'écriture s'est transformée jusque dans sa matérialité. Elle n'offre plus les lignes sages, appliquées, des premiers cahiers.
Plus large, plus rapide, comme libérée, elle s'entremêle maintenant de signes et de dessins. Pourtant, en ce début de 1946, où Antonin Artaud s'alarme de voir ne pas paraître les Lettres de Rodez, où il redoute que par là même ne se prolonge sa mise à l'écart, c'est, après la période explosive, presque euphorique, d'une communication qu'il avait cru pouvoir retrouver, le repliement dans la solitude et, de nouveau, le débat s'intériorise. Il se déplace aussi et, de plus en plus, le corps va en être le centre : «le corps inamovible de M? Antonin Artaud vivant dont on a cent fois dépecé des duplicata arrachés et qui n'a cessé de rester vivant et lui-même contre toutes les formes qu'on lui prenait». Antonin Artaud ne cessera plus de dénoncer l'inaptitude à la vie du corps dont l'homme dispose, ce corps défectueux, aux fonctions dangereusement séparées, à la sexualité désaccordée, au mode d'engendrement désastreux.
Son indispensable réfection va devenir l'un des mythes symboliques dominants de ses textes futurs. C'est d'ailleurs pendant ces mois-là qu'apparaissent dans les cahiers les principaux thèmes qui se développeront après sa sortie de l'hôpital psychiatrique : la véritable identité de l'homme crucifié au Golgotha, le reniement du baptême, la géographie des envoûtements destinés à fermer la bouche aux consciences lucides, le rôle de la sexualité dans ces ondes perverses qui partent de lieux dispersés sur toute la terre, l'émeute qui s'est déclarée à Dublin autour de sa personne et de sa canne, les raisons profondes de son internement, son refus enfin de disparaître : «Je ne suis pas celui qui a fixé de disparaître sans laisser de traces sur la terre. Je ferai au contraire disparaître la terre avant de m'en aller.»
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