sémites ; religion, race, et politique en occident chrétien

« Sémite » est-ce le nom d'une race ou bien d'une religion? De deux religions ou de deux politiques peut-être ? L'ennemi, comme le roi, aurait-il deux corps ? Seraitil divisé selon des tracés théologico-politiques, ou encore racialo-religieux, selon un agencement renouvelé de la chair et de l'esprit ? Mais qu'est ce qu'une race ? Et qu'est-ce qu'une religion ? Quels rapport entre race et religion, d'une part, et notre conception de la laïcité, d'autre part ?
Il faut pouvoir rendre compte de la logique paradoxale qui tout au long de l'histoire du christianisme occidental a soutenu une série d'associations et de dissociations entre religion et politique comme entre juif et Arabe. Cette série culmine au cours d'un « long dix-neuvième siècle », période singulière où la religion devient race et où la chrétienté devient laïcité. Si elle s'achève, c'est avec la dissociation entre juif et Arabe, entre judaïsme et islam, et avec la disparition des « Sémites» comme tels. C'est cette histoire oubliée qui renouvelle aujourd'hui sa logique ancienne, qui sous-tend une lutte insuffi samment pensée contre l'antisémitisme, une lutte dont le centre névralgique se situe à l'endroit même où ont été commis les pires méfaits de l'antisémitisme.
« Sémites » donc. Où il s'agit moins de se demander si ceux-ci ou ceux-là sont ou non des sémites (comme si l'on se demandait encore qui sont vraiment les Aryens). On s'attache plutôt à explorer l'espace éphémère qui s'est ouvert avec cette invention étrange, l'invention d'une race qui aurait inventé la religion. Que reste-t-il de cet espace ?
Comment penser ces divisions et ces confusions entre juif et Arabe, juif et musulman, race et religion ? C'est bien des deux corps de l'ennemi dont on parle ici. Mais qui compte ? Et qui nomme les sémites ? Et pour combien de temps encore ?