Penseur météorique, auteur d'une hypothèse aussi subversive que scandaleuse, La Boétie est âgé de dix-huit ans lorsqu'il rédige, en 1546, la première version d'un texte que son ami Montaigne intitulera Discours de la servitude volontaire et auquel les calvinistes donneront le titre régicide de Contre Un. L'hypothèse de la « servitude volontaire » n'interroge plus la domination comme une relation duelle verticale, s'exerçant pour ainsi dire de haut en bas, mais comme un « vice monstrueux » procédant du consentement et de la contribution active ... Lire la suite
Penseur météorique, auteur d'une hypothèse aussi subversive que scandaleuse, La Boétie est âgé de dix-huit ans lorsqu'il rédige, en 1546, la première version d'un texte que son ami Montaigne intitulera Discours de la servitude volontaire et auquel les calvinistes donneront le titre régicide de Contre Un. L'hypothèse de la « servitude volontaire » n'interroge plus la domination comme une relation duelle verticale, s'exerçant pour ainsi dire de haut en bas, mais comme un « vice monstrueux » procédant du consentement et de la contribution active des dominés à leur servitude.
La bascule du haut en bas, le renversement des perspectives, la révolution « horizontale » de la théorie classique de la domination font de La Boétie un penseur politique pionnier, qui atteint toutes les formes de l'autodomestication, de l'autocontrôle, de l'intimisation de la conscience, de l'hétéronomie de la psyché, avant même que Freud ne les cerne au XXe siècle à partir de la pulsion de mort. Aussi le Discours de la servitude volontaire fait-il résonner un grand nombre des questions politiques qui inquiètent notre contemporanéité. La servitude mise au coeur de la psyché humaine vise, en effet, une complication du désir difficile à penser - nous pourrions vouloir désirer la servitude, nous pourrions vivre la liberté comme une inquiétude majeure et la servitude comme une quiétude apaisante.
Mais au revers de ce vouloir servile, au revers de ce désir saisi par l'angoisse de vivre la pluralité de la vie, c'est-à-dire fasciné par l'identification au nom d'Un, La Boétie ouvre la possibilité jumelle de servir ou de résister : nous pourrions ne pas vouloir désirer la servitude ; le désir s'affranchirait de la servitude sous l'effet de ce nepas- vouloir. Ce ne-pas-vouloir implique toutefois que le désir quitte les liens d'unité (l'Un) pour (re)venir à la vie par l'union, à la relation proprement politique des « tous uns ». Il y a donc à penser une dialectique politique de l'émancipation où la capture du désir par le nom d'Un est défaite peu à peu dans le tissage de relations d'entreconnaissance capables de rendre à la vie politique sa pluralité constitutive.
L'effacement total des références aux circonstances réelles qui ont accompagné la genèse du Discours de la servitude volontaire explique son adaptabilité à des situations historiques très diverses et donne ainsi aujourd'hui un immense retentissement à la question que le Discours pose à chacun de ses lecteurs : « Et toi pourquoi obéis-tu ? »
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